L'emploi des seniors: enjeux et propositions

Publié le par Dante QUINSON

15 décembre 2005 – L’emploi des seniors : enjeux et propositions - Rapport de Monsieur Gilbert DIEPOIS - présenté au nom de la Commission de l’Emploi et des Affaires Sociales et adopté à l’Assemblée Générale du 15 décembre 2005 -

 

L’EMPLOI DES SENIORS, UNE RÉSERVE DE RICHESSE POUR L’ENSEMBLE DES ENTREPRISES ET PLUS GÉNÉRALEMENT L’ÉCONOMIE
L’amélioration du taux d’emploi des personnes de plus de 50 ans, qu’il est convenu d’appeler plus communément « les seniors », constitue un enjeu majeur pour la France. C’est en effet un facteur important pour améliorer sensiblement la croissance de l’économie avec les effets indirects importants qui en résulteraient pour l’emploi en général et le développement des entreprises en particulier. La France présente en la matière d’importantes réserves, compte tenu du taux d’emploi actuel des seniors se situant à des niveaux parmi les plus faibles des pays de l’OCDE et du vieillissement attendu de sa population.

PROPOSITIONS EN FAVEUR DE L'EMPLOI DES SENIORS
En vue de dynamiser l’emploi des seniors, différentes propositions peuvent être envisagées. Outre des actions auprès de l’ensemble des acteurs économiques et sociaux, visant à remettre en cause les mentalités fortement marquées par trente ans de politique de pré-retraite, la CCIP (Chambre du commerce et de l’industrie de Paris) suggère plusieurs mesures articulées autour de deux grands champs d’action : le relèvement du taux d’activité des seniors et l’accompagnement de la transition entre le statut d’actif et de retraité.

PREALABLE : MENER UNE CAMPAGNE DE REVALORISATION DE L’ACTIVITE DES PLUS AGES

·     Entreprendre une campagne à destination des employeurs et de l’encadrement afin de privilégier le critère des compétences sur celui de l’âge lors du recrutement et en matière de gestion des ressources humaines ;

·     Communiquer auprès des actifs afin de lutter contre le sentiment d’usure prématuré et d’exclusion précoce du marché du travail ;

·     Inciter la fonction publique à devenir un employeur « modèle » (limites d’âge pour les concours, gestion des carrières, accès à la formation) ;

·     Relancer et élargir l’aide publique au diagnostic et à la conduite d’une politique active de gestion des âges, destinée à accompagner les entreprises dans la mise en place d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ;

·     Améliorer le traitement des demandeurs d’emploi âgés de 55 ans et plus par le Service Public de l’Emploi (accompagnements personnalisés, offres d’emploi adaptées, suppression de la dispense de recherche d’emploi en vue de réhabiliter le travail des plus âgés…).
 

RELEVER LE TAUX D’ACTIVITE DES SALARIES AGES

1.   La CCIP préconise tout d’abord d’aménager un cadre juridique plus favorable pour l’emploi des seniors. Elle avance deux propositions :

a.    Instaurer un « contrat de mission senior », CDI prenant fin avec la réalisation d’une mission préalablement définie et selon des modalités déclinées par convention de branche ;

b.   Élargir à l’intérim les possibilités de conclusion du CDD pour le retour à l’emploi des seniors, prévu par l’accord national interprofessionnel relatif à l’emploi des seniors.

2.   Les obstacles financiers à l’emploi des seniors doivent également être levés pour créer de véritables incitations au maintien ou au retour dans l’emploi des seniors. Cette voie d’action pourrait s’articuler autour de deux axes majeurs :

a.   Réduire le coût du travail des salariés âgés en abaissant de 65 à 55 ans de l’âge au-delà duquel l’entreprise et le salarié sont exonérés de la cotisation d’assurance-chômage, et en encourageant l’introduction d’une flexibilité accrue dans la gestion des rémunérations ;

b.   Supprimer la contribution Delalande, qui n’a pas fait la preuve de son efficacité contre l’augmentation du chômage des plus de 50 ans : constituant un véritable frein à l’emploi des salariés approchant cet âge, elle n’est plus justifiée depuis l’abandon des préretraites en tant qu’alternative à cette contribution.

3.   Enfin, il faut inciter au maintien en activité des salariés âgés par une amélioration des conditions de travail.
 

ASSOUPLIR LA TRANSITION ENTRE LES STATUTS D’ACTIF ET DE RETRAITE

1.   Il convient, en priorité de réformer le dispositif du cumul emploi- retraite pour encourager la reprise d’une activité sous quelque forme que ce soit.

2.   La CCIP suggère également de rendre plus attractifs et d’assouplir les dispositifs d’aménagement des fins de carrière.

La question de l’emploi des seniors, au coeur des négociations sociales interprofessionnelles actuelles, appelle à un véritable changement de mentalité de la collectivité entière et à une remise en cause des comportements de sélectivité dans le marché du travail. Ceci est d’autant plus urgent, que la France, à l’image de ses principaux partenaires de l’OCDE, va faire face dans les décennies à venir au vieillissement de sa population, donc à un poids croissant des plus âgés dans la société.
Et face au constat de la faiblesse du taux d’emploi en France, des solutions doivent être envisagées pour le relever à l’horizon de 2010, conformément aux engagements souscrits à Stockholm en 2001, par le Conseil européen pour l’ensemble des pays de l’Union européenne. Outre une campagne de revalorisation du travail des seniors, la CCIP suggère différentes propositions articulées autour de deux grands champs d’action : le relèvement du taux d’activité des seniors et l’accompagnement de la transition entre le statut d’actif et de retraité.
 

L’EMPLOI DES SENIORS, UNE RESERVE DE RICHESSE POUR L’ENSEMBLE DES ENTREPRISES ET PLUS GENERALEMENT L’ECONOMIE

1.   Contrairement à une idée malthusienne longtemps admise, le maintien en activité des travailleurs âgés joue en faveur de l’emploi de leurs cadets. Une conception particulière du fonctionnement du marché du travail s’est imposée en France à partir du milieu des années 70, selon laquelle le départ des seniors de l’emploi dégagerait des emplois pour les plus jeunes. Ce consensus largement partagé à tous les niveaux de la société s’est manifesté au travers de la mise en oeuvre d’une série de mesures de protection sociale visant à encourager les travailleurs âgés à quitter la vie active et dans des pratiques d’entreprises parfois discriminatoires à l’égard des seniors. Il a conduit à un abaissement du taux d’emploi des seniors depuis les années 70 : c’est essentiellement au niveau de la tranche d’âge des 60-64 ans que l’éviction a été la plus forte. Même si l’évolution sur la période récente semble plus favorable en raison de l’arrivée à 55 ans des générations plus nombreuses du baby-boom et, dans une certaine mesure, d’une limitation des mesures visant les retraits de l’emploi et de l’activité des seniors, le taux d’emploi des personnes de 50 à 64 ans, en France, se situe toujours à des niveaux parmi les plus faibles des pays de l’OCDE, autour de 58% pour les hommes (soit au 22ème rang) et de 47% pour les femmes (soit au 15ème rang). Pourtant, ce n’est pas en faisant partir les seniors que l’on crée de l’emploi pour les jeunes. La relation entre le taux d’emploi des seniors et celui des jeunes apparaît au contraire positive.

2.   L’augmentation du taux d’activité des seniors constitue un levier de croissance de moyen et long terme pour la France…

Si l’on se reporte aux modèles macroéconomiques traditionnels, deux composantes principales influent sur la croissance potentielle de long terme :

a)   la quantité de ressources en main d’oeuvre disponible mesurée par le nombre total d’heures travaillées ;

b)   la productivité et l’innovation liés notamment à la recherche. Relever la croissance potentielle nécessite donc d’influer sur ces deux leviers. Dans les faits, c’est essentiellement la progression du progrès technique qui a porté, au cours des trente dernières années, la croissance économique de la France, la contribution de l’offre de travail disponible ayant été pour sa part, globalement négative sous l’effet de la baisse du nombre d’heures travaillées, amorcée depuis le milieu des années 60. Une autre manière d’illustrer l’évolution défavorable des divers leviers de croissance de notre économie est de comparer l’évolution de la productivité annuelle de la France par rapport aux USA.

3.    …d’autant plus nécessaire que le vieillissement structurel de la population va peser négativement sur la croissance à moyen terme. Les projections démographiques montrent clairement un ralentissement de la croissance de la population active en Europe à l’horizon 2020 et ce phénomène devrait s’aggraver faisant passer le « taux de dépendance », c’est à dire la proportion de personnes de plus de 65 ans rapportée à la population de 15 à 65 ans, de 28% en 2000 à 41% en 2025 et à 54% en 2050 pour la France, cette évolution étant comparable à la moyenne de l’Union Européenne. Les enjeux du vieillissement de la population ne se limitent pas à la question de l’équilibre du financement des retraites. D’autres incidences économiques plus profondes sont à craindre si rien n’est changé. 

D’une manière générale, le vieillissement de la population va amplifier certaines tendances lourdes qui pèsent déjà sur l’économie française :

·     les perspectives de croissance potentielle seront encore moins favorables qu’aujourd’hui, par simple effet mécanique du déclin de la population active. Ainsi, selon l’OCDE, la croissance potentielle serait diminuée en moyenne de 0,2 voire 0,3 points par an jusqu’en 2050, creusant encore les écarts de croissance avec les Etats-Unis qui disposent de perspectives démographiques beaucoup plus favorables.

·     le poids de la dépense publique va s’alourdir. La Commission européenne estime le surcoût des dépenses de santé consécutives au vieillissement de la population à 1,2 points de PIB à l’horizon 2050. Cette charge financière pèsera sur la compétitivité de la France, et rend encore plus nécessaires des mesures profondes de réduction de la dépense publique. Aussi si le vieillissement de la population est inéluctable, ses effets sur l’environnement économique peuvent toutefois être corrigés à condition de l’intégrer comme une donnée exogène dans les choix à court, moyen et long terme qui s’imposent à notre société pour construire son avenir. Comme le souligne Michel CAMDESSUS, "l’impact du vieillissement de la population peut être plus ou moins important sur la croissance selon la manière dont le marché de l’emploi et des systèmes publics s’y adaptent". 

En résumé, l’emploi des seniors peut donc être un facteur important pour améliorer rapidement et sensiblement la croissance de notre économie avec les effets indirects importants qui en résulteraient pour l’emploi en général et le développement de nos entreprises en particulier.
Le maintien des seniors en activité est d’autant plus nécessaire que certaines entreprises, certains secteurs et certaines zones géographiques présentent une pyramide des âges particulièrement déséquilibrée : des départs précoces ou mal étalés pourraient se traduire par des difficultés de recrutement voire des pénuries de compétences. Selon le Commissariat Général du Plan, 80 % des postes à pourvoir d’ici 2015 seraient onsécutifs à des départs en fin de carrière. Les métiers les moins attractifs risquent d’être le plus affectés par les répercussions de ces départs massifs.


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